État, régions, départements : des incitations financières multiples à la vidéoprotection
Quels sont les différents fonds nationaux utilisables par les communes ?
Le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD) a longtemps été la principale source de financement non municipale des initiatives d’installation. Il a été créé en mars 2007 pour aider les maires à gérer les politiques locales de sécurité après la victoire de Nicolas Sarkozy. Après la victoire électorale de ce dernier, ce fonds a été mobilisé pour stimuler le développement de la vidéosurveillance. À partir de 2008, le FIPD avait pour objectif principal de tripler le nombre de caméras sur la voie publique en deux ans.
Les collectivités locales peuvent bénéficier d’un financement de 50 % pour leurs projets d’installation et de 100 % pour le raccordement de leur réseau de surveillance aux centres de police ou de gendarmerie pour la maintenance et l’utilisation. La stratégie du Home Office britannique, élaborée dans les années 1990, a inspiré ce programme. En février 2014, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 2820 communes et 173 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) avaient été aidés pour installer 26 614 caméras pour un total de 148,52 millions d’euros de subventions.
Combien coûte la mise en place complète d’un système de vidéoprotection ?
Le rapport de la Cour des Comptes, publié en 2020, démontre la complexité du calcul de la dépense totale d’un système de vidéoprotection, qui comprend l’installation, la maintenance et l’exploitation. Le coût peut largement varier en fonction du type de caméras, de la quantité de caméras, des spécificités de l’espace public, du type de réseau de transmission, de la présence ou non d’un centre de supervision urbain (CSU), etc. Les coûts cités dans les articles de presse examinés par le CLIC n’incluent souvent pas les frais de maintenance. De plus, le coût par caméra varie énormément d’une municipalité à l’autre.
Selon les rapports annuels du Comité interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR), la DPPR observe une baisse du coût moyen d’installation d’une caméra. Le coût d’installation de la zone police est passé de 13 810 € à 10 945 € en 2014, et celui de la zone gendarmerie de 8646 € à 7104 €. Les dépenses d’infrastructure pour la transmission des images représentent une part importante de l’investissement pour la mise en place des caméras de vidéosurveillance. Dans certains cas, l’installation des dispositifs s’accompagne de travaux de rénovation de l’éclairage public ou des réseaux de télécommunications municipaux.
Mais, la transition vers un gouvernement socialiste s’est accompagnée d’un changement de priorités. Si l’aide financière se poursuit, la vidéosurveillance n’est plus l’objectif premier. Le FIPD a consacré 58 % de son argent à la vidéosurveillance de 2010 à 2012, mais le montant est tombé à moins d’un tiers du fonds en 2013. En 2019, près de 30 millions d’euros de subventions du FIPD ont été accordés pour la fourniture de caméras de sécurité, contre près de 10 millions d’euros en 2010. Par ailleurs, certaines zones ont été priorisées, notamment les zones de sécurité prioritaires (ZSP), qui sont des « quartiers touchés par la dégradation de l’ordre et de la tranquillité publics ». Les communes, notamment rurales, verront donc leurs crédits diminuer progressivement.
Sur les 80 ZSP créées depuis 2013, 53 ont été placées dans des zones fortement urbanisées où la police nationale conserve une compétence exclusive, en plus des neuf régies par la préfecture de police de Paris. Les maires ont constaté qu’il devient progressivement difficile d’obtenir des financements pour l’installation de caméras, comme l’a fait le maire de Zutkerque (1733 habitants).
Malgré la diminution de la part du FIPD dans le financement des projets de vidéosurveillance, d’autres sources compensent. Au niveau national, la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) permet de financer la vidéosurveillance dans les communes rurales. Jusqu’à 30 à 40 % du coût du projet peut être financé par la DETR, à condition que le FIPD n’ait pas accordé de subvention. Enfin, certains parlementaires financent les caméras de vidéosurveillance dans certaines communes de leur circonscription par le biais de leur réserve parlementaire.
Les collectivités territoriales incitent également les communes à s’équiper
Outre ces fonds nationaux, des programmes de subvention et de soutien intercommunaux, départementaux et régionaux ont également été développés, même si la sécurité ne fait pas partie de leurs domaines de compétence.
Certains établissements de coopération intercommunale (EPCI) se positionnent également sur cette question. Ils peuvent mettre en commun des systèmes de vidéosurveillance dans le cadre de leur coopération intercommunale. Se regrouper pour l’achat et la maintenance des caméras en est un exemple. Lille (MEL), métropole européenne, dispose d’un conseiller en charge de la vidéoprotection. L’entreprise Eiffage a obtenu un marché public pour l’achat et la maintenance des équipements de vidéosurveillance. L’objectif est d’uniformiser les équipements entre les communes ainsi que de réduire les coûts pour chaque commune. En plus des 44 communes (en 2017) qui ont rejoint le groupement d’achat, 59 communes (en 2018) ont adhéré. Depuis 2017, la MEL a mis en place un fonds d’une valeur de 500 000 € par an pour aider les communes qui cherchent à acheter ou à moderniser leurs systèmes de surveillance. Douze communes en ont bénéficié en 2018 et seize en 2019. Enfin, la métropole a pour objectif de construire un centre de supervision urbain (CSU) qui mélange les images des communes qui ont été équipées de caméras. En raison de la grande diversité des équipements utilisés dans les différentes communes, cette entreprise est techniquement difficile. Grâce à cette politique incitative, moins de 20 % des 95 communes de la métropole lilloise ne seront pas équipées de caméras à partir de 2020, selon Médiacités.
Les conseils départementaux jouent un rôle modeste dans l’essor de la vidéosurveillance dans les communes, selon nos recherches. En juillet 2020, seuls douze conseils départementaux prévoient de financer les communes pour les caméras vidéo sur leur territoire. Les subventions, mises en place en 2015, concernent les caméras de surveillance des abords des établissements scolaires. Certains départements, comme la Drôme, se concentrent sur l’installation d’équipements de surveillance à proximité des écoles et exigent un CSU. Le montant des subventions est également variable : le département des Bouches-du-Rhône a consacré 19,4 millions d’euros aux communes par le biais des aides municipales, tandis que l’Oise a consacré 5,6 millions d’euros entre 2015 et 2020 à ces aides.
Certaines régions, qui n’ont pas de compétence en matière de sécurité (hormis la protection des lycées et des transports en commun), mettent en œuvre des politiques de sécurité et allouent des fonds aux polices municipales. La région PACA, dirigée par Christian Estrosi, a décidé en 2017 d’allouer au moins 10 millions d’euros par an de crédits de sécurité aux polices municipales, notamment pour les caméras de vidéosurveillance. Mais le tribunal administratif de Marseille a annulé ce « plan de sécurité intérieure » en décembre 2019. Les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône Alpes et, plus récemment Pays de la Loire, ont mis en place des « boucliers de sécurité » prévoyant l’achat de caméras de vidéosurveillance, de centres de supervision urbaine et d’équipements policiers pour les polices municipales.